carnet de route - tournée 2003

module 5 / Dniepopetrovsk & Kiev- UKRAINE
Tournée Automne 03 - étape 5

  • équipe Cie : 5 personnes
  • spectacle programmé: mini@tures
  • lieu: Théâtre Gorki à Dniepropetrovsk
  • cadre: festival Danse Libre
  • itinéraire: béziers-montpellier-paris-kiev-dniepropetrovsk-kiev-paris-montpellier-béziers.
  • kilomètres parcourus: 9000 kms
  • dates: du 31 octobre au 3 novembre 2003

Bilan:
" Cette date en Ukraine a été un vrai plaisir, de bout en bout. D’abord, avec la collaboration attentionnée de l’IFU – Institut Français d’Ukraine à Kiev, qui nous avait contacté quelques mois auparavant pour nous inviter à ce festival, puis, sur place, avec la directrice du festival Danse Libre, Maryna Lymar, et enfin avec le public ukrainien qui a été d’une chaleur incroyable à notre égard. Depuis plusieurs mois, nous préparions minutieusement cette venue en Ukraine avec l’IFU de Kiev, et notamment avec Anastasia Sirikov, assistante culturelle, une jeune professionnelle aussi brillante qu’attentionnée, qui a suivi et accompagné notre venue. Anastasia était en contact avec nous depuis de longues semaines, suivant tout à la fois la préparation administrative, logistique, technique et artistique de notre venue, avec une efficacité rare et une pleine connaissance du fonctionnement lié à l’accueil d’une compagnie de spectacle vivant étrangère dans son pays. Elle nous a accueillis à l’aéroport, et a passé une partie du séjour à Dniépro avec nous. Je dois dire que si elle n’avait pas été là, depuis le départ, le déroulement de cette collaboration n’aurait pas pu se faire aussi parfaitement. Toute la Compagnie souhaite donc la remercier, une fois de plus, pour son attachement à faire en sorte que tout problème soit évité, ou solutionné rapidement. Vendredi 31 Octobre. Le trajet Aller depuis Béziers jusqu’à Dniépro a été … un enfer de longueur, presque 16 heures au total : levés à 4h du matin + voiture + attente + avion 1 + attente + contrôle passeports et bagages + avion 2 + attente + contrôle passeports et bagages + avion 3 + attente + voiture = arrivée à Dniépro vers 21h ! Rajouté à cette journée de voyage, Nicolas (notre directeur technique) devait en plus entamer le montage du spectacle au saut de l’avion, et durant toute la nuit … La technique au théâtre Gorki a été pour lui une découverte du montage « à la russe » ! Outre le type de projecteurs qui n’était pas vraiment conforme à ceux de notre fiche technique fournie (et outre les projecteurs demandés qui en fait n’étaient pas là !), le plafond technique n’était pas accessible pour réglages fins avec nacelles ou échelles : les projecteurs devaient donc se régler depuis le sol, perches descendues, avec une notion impérative de « l’à peu près » et des dons de devin pour savoir de ce que cela allait donner une fois les perches plafonnées, bref, pas du tout l’habitude de Nicolas qui passe des heures à régler chaque projecteur au millimètre près, afin que les projections vidéos et notre mise en espace chorégraphique ne soient pas perturbés, et que le spectacle « mini@tures » garde son aspect intact, quelle que soit la scène qui nous accueille. Mais là, c’était vraiment de l’inédit. Pourtant, le plus grand choc n’était pas encore arrivé : le tapis de danse noir que nous demandons habituellement (et malgré avoir vérifié par e-mail 20 fois que nos demandes étaient bien prises en compte), le tapis de danse sur scène, donc, n’était pas noir. C’était … du lino gris pale avec de gros damiers noirs et blancs, type revêtement de sol de cuisine ! Et il fallait faire avec. Prenant son mal en patience, Nicolas a fait, une fois de plus un tour de magie, car finalement, les conditions de représentation et la représentation elle-même ont été techniquement excellentes et très fidèles à ce que nous présentons habituellement. Samedi 1er Novembre, jour de la représentation. Après avoir passé la nuit entière à monter et régler, Nicolas a enchaîné avec les répétitions, où nous l’avons rejoint juste après le cours donné au Centre de Danse de Maryna. Je découvre le « tapis de scène », Magali, Severine et Elisabeth aussi. Choc. Cela me rappelle un décor des Deschiens, on éclate vite de rire et on se dit vite que, de toute façon, il va falloir s’y faire… Sur scène, c’était très bizarre, presque l’impression de danser dans une cuisine (eu égard au tapis de danse), une sensation vraiment étrange de revenir vers le réel, le concret, le quotidien (cette sensation de manque de nos repères scéniques habituels, nous a finalement aidé à nous échapper de ce concret, durant la représentation du soir). 17h, répétition et filages achevés, j’ai eu trois minutes pour souffler et enchaîner avec la conférence de presse, qui réunissait une bonne quinzaine de journalistes de tout le pays, presse écrite, radio et TV, en compagnie de la directrice du Festival et du conseiller culturel de l’Ambassade de France en Ukraine, Olivier Guillaume. L’Ambassade est en effet un partenaire fidèle de ce festival, et invite chaque année une compagnie française à Dniépro. Cette fois-ci, c’était nous qui ouvrions le festival, avec « mini@tures ». J’ai été surpris de la pertinence et de la qualité des questions qui m’ont été posées par les journalistes. L’Image de l’Ukraine colportée depuis toujours dans les médias internationaux (à sensation ou pas) est celle d’un pays baignant dans la délinquance, l’alcoolisme, les magouilles, la maffia, les riches écrasant les pauvres, ou encore la prostitution. Rien, en tout cas, concernant la vie culturelle ukrainienne ou la sensibilité des ukrainiens en matière d’art et de culture. J’ai pu constater sur place que, oui, les ultra-riches côtoient la misère, que les magouilles existent certainement, mais aussi (et dépassant l’image que nous, européens nantis, pouvons avoir) que le public et les professionnels ukrainiens sont connaisseurs et sensibles en matière de danse, d’art ou de culture. Très sensibles même. La preuve résidant principalement chez Maryna Lymar, qui dirige avec énergie et passion un centre de danse à Dniépro, et qui se démène depuis cinq ans pour que ce festival international de danse ait lieu, et pour ouvrir les regards sur la « danse libre » d’aujourd’hui. 20h30 : lever de rideau, salle comble, presque 600 personnes dans ce théâtre à l’italienne, et là, re-choc : après chaque courte séquence qui, enchaînée à la suivante, construit et unifie notre spectacle, des salves d’applaudissements qui retentissent, presque comme au ballet classique, ou le public applaudit après chaque solo …), très inhabituel pour nous, très inhabituel en danse contemporaine, presque déstabilisant, mais finalement tellement gratifiant. Maguy Marin a intitulé son dernier spectacle « les applaudissements ne se mangent pas » : dans ce cas, ils ne se mangent toujours pas, mais, ils réchauffent et réconfortent. Ce soir là, ce fût vraiment le cas. Sentir un public enthousiaste et chaleureux, toujours à notre écoute, venu en nombre pour voir de la danse contemporaine qui se frotte à l’image (au lieu de rester au chaud regarder la TV ukrainienne…), cela ne se refuse pas, et en plus, cela fait grand plaisir. 21h30 : spectacle fini, je fonce pour me préparer et participer sur le plateau à une rencontre avec le public (ce qui n’est jamais ma tasse de thé juste après une représentation…) , et là, le plaisir continue : environ 150 personnes restées là pour nous rencontrer et nous parler, avec des avis touchants sur ce qu’ils venaient de voir de nous, avec des questions pertinentes sur le rapport corps-image, sur la notion de réel et d’illusion, sur l’humain et la technologie, sur la France et l’étranger… Aidé par Youri, notre traducteur attitré issu du Centre Français de Documentation et de Formation (CFDF à Dniépro), les échanges furent passionnants. Ce qui devait durer quelques dizaines de minutes a duré plus d’une heure. C’est dire encore la pleine réussite de ce festival dans son rapport au public. 22h : après l’effort, réconfort autour d’une bonne table et d’un repas offert par Olivier Guillaume, le conseiller culturel de l’Ambassade. Rencontre avec sa femme, charmante, attachante et drôle, conquise par ce qu’elle venait de voir sur scène. Sa lecture de notre spectacle, toutes les autres reçues de la part de la presse, des officiels ou du public présent, furent autant d’instantanés d’imagination personnelle, ce qui reste en fait le seul objectif recherché dans « mini@tures ». Retrouvailles avec Anastasia de l’IFU, l’occasion de lui dire une fois de plus, devant tous les officiels présents, à quel point nous avions été sensibles à son action et sa compétence en matière de programmation artistique. Minuit, repas fini. Il fait un froid de « caneton », pas vraiment de canard. Juste assez pour retrouver notre hôtel et s’y reposer avec plaisir. Nous avions été gâtés, côté hôtel, il s’agissait du seul cinq étoiles de la région, l’un des plus beaux et plus anciens hôtels d’Ukraine. Top confort et luxe à tous les étages, somptueux spa genre romain avec déco ultra chargée (dont nous n’avons pas profité, malheureusement…). Dimanche 2 novembre: nous étions attendus au Centre de Danse de Maryna, pour diriger la fin du stage avec ses danseurs en formation, amateurs ou semi-pros. C’est Severine et Elisabeth qui ont encadré ces cours, qui se sont déroulés parfaitement, avec des participants motivés et studieux. Après-midi : quelques heures pour finir de filmer et de shooter pour notre télérama.fr préféré, puis, ballade au pas de charge dans les grands magasins de Dniépro, un genre de galeries commerçantes sur quatre étages, bourrées de petits stands hétéroclites où l’on trouve de tout, mais en désordre : les shampoings à côté des téléphones portables, la lingerie à côté des armes à feu, la vodka à côté des habits pour enfants. Dur de se repérer, mais étonnant. Le pouvoir d’achat de l’ukrainien moyen à Dniépro est ultra bas, comparé à la France, par exemple. Le prix des aliments de base tente de s’y adapter, mais pas du tout celui des marques internationales (habillement, audiovisuel ou informatique, par exemple). Savoir qu’un baladeur MP3 représente parfois 6 mois de salaires pour certains, fait beaucoup réfléchir. Et pourtant, dans l’avenue centrale de Dniépro, ce n’est pas la misère à tous les coins de rue, loin de là. Les derniers modèles de limousines, 4X4 ou coupés sport, se croisent souvent. Sur les trottoirs, parmi les passants, ont croise aussi souvent fourrures, fringues branchées, mobiles dernier cri. Toutes les enseignes de prêt-à-porter de luxe, de joailliers, ou de designers de mobilier, ont pignon sur rue. Puis, au coin d’autres rues, des gens assis ou allongés, qui ont froid et faim. Comme en France. Comme partout. Penser à ce que l’on peut y faire. Puis, plus loin, d’autres gens, froid et faim aussi, mais plus forts et debout, marchant sur les trottoirs près des richesses étalées. Pas de haine ou d’envie dans leur regard, mais de la force, et la nette volonté de s’en sortir. 22h : retour à l’hôtel, et dodo rapido car la nuit sera courte. Lundi 3 novembre : départ de l’hôtel à 5h du matin, voiture jusqu’à l’aéroport de Dniépro, pour le début de l’épopée « voyage Retour », mais avec cette fois-ci, une bonne surprise au rendez-vous. 7h30 : à Kiev, l’Institut Français avait organisé notre accueil et une visite guidée de la ville. Belle façon de passer les 6 heures d’attente que nous avions, avant de voler vers Paris. Kiev est une belle ville, son passé est presque encore accroché à ses balcons. Envie d’y revenir, de tout voir, avec plus de temps. Au détour d’une rue, les coupoles dorées de la cathédrale Ste Sophie apparaissent, pure merveille. C’était en fait la visite prévue, et nous sommes ravis. S’en suit, une visite en compagnie d’une adorable guide et traductrice de l’IFU, spécialiste érudite qui nous apprend tout sur ce lieu, et aussi sur Kiev et l’Ukraine, au passage. Ste Sophie est vraiment fascinante, magnifique, avec son histoire de construction, de destruction repoussée juste à temps, de styles et techniques picturales par strates successives, toutes visibles. Un bain d’architecture et de beauté, très vivifiant. Fin de la visite, voiture vers l’aéroport de Kiev Borispol, presque pas de queue aux contrôles de passeport et de douanes, tout se passe bien. 18h, vol vers Paris, puis la suite jusqu’à Béziers. Au total, presque 16h de voyage comme pour l’aller. Mais voir Kiev et Ste Sophie nous a fait oublier la fatigue… Bilan : une aventure en Ukraine riche en péripéties, une confrontation à une nouvelle langue et ses caractères encore énigmatiques pour nous (trois jours seulement pour essayer de lire ou comprendre, voire pratiquer = mission impossible !). Une étape de tournée aussi marquante que Los Angeles, le Mexique, ou Dresde, aussi gratifiante dans nos rapports avec le public. L’envie d’y revenir pour présenter « Invisible » à Kiev, pour collaborer à nouveau avec l’IFU, afin de frotter à nouveau nos œuvres au regard du public ukrainien si attentif et motivé … »

Didier Mulleras


prochaine mise en ligne:
module 6 / ANGLETERRE - Londres
CREDITS:

module 5 / UKRAINE, réalisé pour le site TELERAMA.fr
par la Compagnie Mulleras (c) octobre 2003 - tous droits réservés

l'équipe:

  • chorégraphie: magali & didier mulleras
     
  • video et infographie: nicolas grimal
     
  • danseurs: severine prunera, elisabeth nicol, magali & didier mulleras

MERCI à:
Anastasia Sirikov, essentielle à la réussite et au succès de notre venue, à l’IFU pour son invitation, à Olivier Guillaume - Ambassade de France, à Youri pour son indispensable traduction jour et nuit, à Maryna Lymar pour son énergie et sa gentillesse, au public de Dniépropetrovsk pour son accueil.

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