LE MONDE - 15 Décembre 2000
Les allers-retours de Mini@tures :
entre réel et virtuel

Petit, petit, petit, tout est mini sur mon écran…
sur le site www.mulleras.com, soixante-dix clips, intitulés mini@tures phase 1, présentent des minichorégraphies, tant par la taille de l’image que par la durée. Une situation contraignante pour des danseurs, pourrait-on penser au premier abord. Et pourtant, ces créations ont su utiliser à leur profit ce qui n’était que contraintes techniques. « La principale contrainte, explique Nicolas Grimal, directeur technique et scénographe, est due au streaming. La compression n’autorise que très peu d’images par seconde. Il a d’abord fallu optimiser ces moyens de compression. D’où ce choix artistique de faire une chorégraphie simple. » Une création qui finit par puiser son inspiration dans la frustration et qui réussit à la dépasser.

Danser sur le Web donne forcément l’opportunité de se faire connaître hors des frontières de cet espace clos qu’est la scène. Mais il s’agit surtout de tenter une aventure, d’explorer le cyberespace du Réseau : « Plus qu’une carte de visite, poursuit Nicolas Grimal, Internet est pour nous un moyen de création. » Et Mini@tures se présente, à ce titre, comme un projet créatif, plus que comme une œuvre achevée : « Une création sur quatre ans, précise Didier Mulleras. Nous avons déjà amorcé la phase 2. » Cette deuxième phase est l’adaptation sur scène de ce qui a été réalisé sur le Web, dont la Compagnie de Béziers a d’ores et déjà entamé la tournée en France. « Mini@tures phase 1, poursuit Didier Mulleras, est comme une base de données. Un rétroprojecteur produit des images inspirées du site, devant lesquelles nous dansons. » Nouvelle contrainte. Cette fois-ci, le danseur ne doit plus se confronter et s’allier à la technique, mais à l’image. « Sur scène, nous nous sommes rendu compte combien il était difficile de s’adapter à l’image. »

Changer de cadre, diversifier les espaces. La phase 3 développera véritablement ce que pourront être des miniatures sur la Toile. « Le cadre de lecture est primordial, explique Didier Mulleras, nous voulons avant tout déstabiliser la manière de consommer le spectacle vivant. Et, pour cette raison, nous avons une appréhension purement artistique de l’outil Internet. » La technique, elle aussi, évolue en même temps que les chorégraphies. Un surcroît de vélocité des mouvements est observable d’un clip à l’autre. « Nous sommes passés du gestuel au pur mouvement à l’image en 3 D… »

Le projet Mini@tures pourrait se définir comme un aller et retour continu entre le réel et le virtuel, entre l’écran et la scène. Il laisse ainsi au mouvement la possibilité de conquérir progressivement des territoires nouveaux.

Sylvie Chayette  
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