Les Saisons de la danse - Mai 99
Net Miniatures
Magali & Didier Mulleras par Marie-Gaëlle Breton

La distance jouant, des artistes qui oeuvrent à Béziers ont moins les honneurs des médias que certains de leurs collègues. Mais la réalité force à dire que c'est bien à tort car il s'y passe de fort intéressantes choses. Ainsi, Didier et Magali Mulleras, qui persistent et consignent leur recherche jusque sur le Web avec une chorégraphie en vrai et une autre en virtuel, histoire d'abolir certaines distances. Présentation sous les deux espèces avec expérience de critique chorégraphique de ces très curieuses Miniatures pour réseau.

Depuis février 1998, la compagnie Magali et Didier Mulleras tisse sa toile sur Internet. Leur site web permet au visiteur d'accéder à toutes les informations sur le parcours des chorégraphes, les activités de la compagnie depuis 1986 (date de création du centre chorégraphique CED à Béziers) ou les données artistiques et techniques de chaque création. Sa grande originalité vient de l'accès à des extraits vidéos. Didier Mulleras et Nicolas Grimal, webmaster du site, sont même allés encore plus loin en mettant au point un solo destiné à être vu uniquement en ligne. Pour visionner cette chorégraphie, le procédé est simple : il vous suffit de vous connecter et de doter votre ordinateur de ReaPlayer, un logiciel qui offre au plus grand nombre I'accès aux sons et vidéos. Ce logiciel est gratuit et son téléchargement simplissime. Cet outil est le passeport pour consulter Miniatures (Thumbnails), le solo virtuel de Didier Mulleras. Miniatures est constitué de dix micro-chorégraphies très bien adaptées à l'outil Internet. Car il fallait pour ce projet se plier à deux restrictions : d'espace et de temps. De très courtes durées, visibles sur tous les écrans à travers un tout petit navigateur, les images noir et blanc figurent un mini Didier Mulleras. En dix étapes, il nous propose une gestuelle toute simple. Le corps vêtu de noir se détache sur un fond blanc. Botté de grosses chaussures compensées qui l'ancrent dans le sol, Le danseur se meut en une gestuelle très épurée. Les mouvements de cette silhouette sont relativement lents, hachés. Au début, seul le buste est sollicité, puis le mouvement glisse vers le sol la deuxième miniature le voit même décoller du sol Les expérimentateurs de Béziers s'amusent aussi à quelques clonages ; un petit Mulleras, puis deux, puis trois et quatre, qui reproduisent les mouvements, synchrones ou décalés. D'autres effets vidéos sont utilisés : rémanence du mouvement, enchaînement de quatre scènes différentes côte à côte ou en fondu enchaîné... Ces Miniatures chorégraphiques nous ramènent aux petits films anthropométriques du début du siècle. Ils mettent ainsi en parallèle les débuts cinématographe et ceux de l'outil Internet actuellement en France. Reste a suivre l'intelligent et talentueux exemple des Mulleras pour s'emparer dès aujourd'hui de cette nouvelle aire de communication de la création.

Pas nés de la dernière pluie !

On trimballe toujours dans ses bagages culturels des expressions populaires qui nous viennent d'on ne sait où. Comme ce « c'est le diable qui bat sa femme » pour décrire ces moments météorologiques incompréhensibles où les gouttes de pluie tombent d'un ciel inondé d'un grand soleil. Cette expression revient subitement en mémoire pour décrire « ces instants fascinants durant lesquels il pleut et fait soleil en même temps » dont est traversée la danse de "De l'orage dans l'air", la dernière pièce de Didier et Magali Mulleras. Une danse lumineuse, comme ses interprètes et changeante à l'envie, comme le temps. Nous sommes en fin d'une après-midi d'été, les tournesols se tournent généreusement vers la lumière. L'une des danseuses, liane gracile au mouvement lent et mesuré, surgit de ces soleils, se déploie comme une plante qui cherche de l'eau pour grandir. Le temps est à l'orage mais de la pluie, on ne sentira pas l'apaisante fraîcheur. L'atmosphère oscille entre deux états comme la danse des deux chorégraphes curieusement légère quoique chargée d'orage. Sur une sorte d'ilot de verdure, minuscule surface à danser, comme un nuage sur lequel elles se seraient posées, quatre femmes se serrent les unes contre tes autres. Un quatuor de femmes différentes dans leur présence et leur manière de vivre leur danse, offerte, généreuse, rebelle ou plus intérieure. Et puis la menace s'éloigne, le grain passe, l'orage a éclaté plus loin... Ce qui manque peut-être à De l'orage dans l'air c'est justement l'éclatement, le déchirement paroxystique et salvateur...

Claudine Colozzi
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